Le mot « pérégrination » signifie « voyage », particulièrement un pélerinage de longue durée ou dans plusieurs directions. La thématique de ce pavillon fait allusion au sens vécu des pérégrinations alors que l’artiste observe, sous forme introspective, l’expérience subjective de la vie dans un monde inondé de médias technologiques.
Je crois que tout art pertinent, de nos jours, est lié d’une manière ou d’une autre à l’informatique, au réseau et à la culture numérique. Avec ce projet, j’ai voulu communiquer l’enthousiasme naïf que j’ai ressenti lors de ma première utilisation de Gopher, un des premiers protocoles Internet, pour télécharger l’image d’une antiquité directement depuis une archive en Grèce. Cet univers que j’avais découvert, l’internet, ne reposait pas sur une hiérarchie, s’auto-organisait et n’était la propriété de personne en particulier. Là, il était possible de vivre l’art sans qu’il soit d’abord classé et mis en contexte par une seconde ou tierce partie. L’art sur Internet offre une ouverture qui aborde le spectateur subjectivement et intimement. Lorsque vous regardez une œuvre, vous avez toujours la possibilité d’envoyer un message à l’artiste et, peut-être, de converser avec lui. Même si vous n’avez jamais rencontré l’auteur de l’œuvre, vous pouvez établir une relation littéralement virtuelle. Les rapports sont complètement désincarnés. Il n’y a pas de mouvements des yeux ou des bras avec lesquels établir des liens : il n’y a que la langue et l’imagerie visuelle. Par conséquent, le dialogue devient performatif; il porte sur le partage, l’exploration, l’expérimentation et la réaction dans le cadre d’une rétroaction mutuelle continue. La participation au processus artistique constitue une expérience subjective grandement intériorisée. À tel point qu’elle n’est pratiquement pas perçue hors du lien étroit qui unit les artistes en ligne, car elle ne correspond pas aux paramètres des systèmes établis des hiérarchies, des établissements et des échanges commerciaux. Les artistes des réseaux numériques font l’expérience d’œuvres accessibles à tous dans une atmosphère de plus en plus imprévisible de changement dans toutes les facettes de la culture. Au fur et à mesure qu’une œuvre d’art se distancie du langage, elle passe de matière perçue à signification. L’expérience arrive en premier, puis suit le processus de la définition de cette expérience et, beaucoup plus tard, la compréhension de l’expérience. L’art est la communication au-delà de ce qui est connu. Il est nouveau parce qu’il constitue le présent sujet à mutation.Andres Manniste, Montréal 2019
Traduction : Suzanne Aubin